Le Moment fraternité, R. Debray

Publié le par P.R-S

Régis Debray est un grand intellectuel français, normalien, agrégé de philosophie et ancien conseiller du président Mitterand. Bien que son rôle en Bolivie aux côtés de Che Gevara soit très peu clair, son implication dans le coup d'état d'Haiti discutable, il n'en reste pas moins que sa pensée est plus que pertinente voire transperçante.

 

Le moment fraternité est d'une écriture saisissante, pleine de poésie mais aussi de force et de justesse. Analyse profonde de notre société cet ouvrage veut nous montrer toute la force du sacré et notre tendance actuelle à en saper les fondements, ce qui revient à faire disparaitre le nous qui fait le peuple.

 

Trois parties se distingue dans l'ouvrage. Tout d'abord Debray analyse et explique l'importance de la sacralité puis il dénonce le mirage des Droits de l'Homme, élevés en véritable Religion mais qui se délitent aujourd'hui sous les coups de l'hypocrisie des castes dirigeantes. Enfin, il appelle au retour de la fraternité, valeur oublié de notre devise.

 

 

Du bon usage du sacré : Le nous se noue par un acte de sacralisation. Le sacré est un bien de première nécessité : il est le meilleur moyen d'une mise en commun, pour faire corps.
Mais attention, il faut bien comprendre que le Sacré est différent du religieux. Vouloir la restauration d'une certaine sacralité ne s'oppose nullement à la laïcité. Au contraire elle la complète et la renforce.

Pour qu'il y est sacralité, il faut avant tout une enceinte, matérielle ou non. La sacralité se construit par la frontière, la séparation entre un dedans et un dehors, entre un nous et un eux. 

Ce nous, il convient de lui donner corps car le sacré ne peut se faire sans le nous. Celui-ci émerge grâce à lieux publiques mais aussi aux rassemblements (manifestations, défilés, parades, etc.) qui rapprochent et permettent l'expression du concept, de cette chose invisible mais qui pourtant existe et peut être ressenti, qui émerge de la sacralité (comme la Nation, la classe sociale et tout autre sentiment d'appartenance à un groupe).



Crépuscule des droits de l’homme : Érigée en religion d’Etat, elle perd aujourd’hui sa sacralité à cause de ces effets pervers et sanguinaires. L'Occident en a fait sa valeur mère mais l'impérialisme américain et les guerres menées au nom des droits de l'homme tout comme les pratiques autorisées pour les servir tendent à effriter la croyance en de telles valeurs.

Le travail de fraternité : La fraternité disparait petit à petit, remplacée par la liberté et l’égalité. Mais rien n’est perdu et son avenir pourrait être prometteur, comme moteur de modernité. C'est en tout cas le souhait de l'auteur et le fondement de cet ouvrage. Retrouver la sacralité, la chercher même pour recréer les liens perdus de la Nation et permettre la renaissance de cette idée fraternelle. 

 

Cet ouvrage nous invite donc à une réflexion poussée sur ce qu'est notre société, sur ses fondements et surtout sur son devenir. Aujourd'hui son avenir est obscure voire funeste mais rien n'est joué et il est tout à fait possible de retrouver une société fraternelle et unie. C'est l'ambition de l'humanisme : croire en l'homme.

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